L’extraction de sable, une « menace cachée » pour la biodiversité (2025)

50milliards de tonnes. C'est la quantité de sable, de gravier et de roche concassée extraits ou produits chaque année, selon le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE). Cela fait du sable la ressource naturelle la plus exploitée au monde, après l'eau. Inquietdu peu d'attention portée à cette activité et à la menace qu'elle représente pour les écosystèmes marins, la biodiversité et les populations côtières, un groupe de scientifiques internationaux donne l'alerte dans un article qui vient d'être publié dans la revue scientifique One Earth, dédié à la recherche sur les problématiques de développement durable.

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«Bien qu'il s'agisse de l'une des activités les plus répandues dans les zones côtières, l'extraction de sable est une menace cachéepour l'environnement puisqu'elle a fait l'objet de beaucoup moins de recherches et d'attention que l'impact de la pêche ou du tourisme notamment de la part des politiques, constate Aurora Torres, chercheuse au département d'écologie de l'Université d'Alicante, qui a coécrit l'article avec des confrères issus de l'université d'État du Michigan,de Stanford, Stockholm, Gand et Genève. L'objectif de développement durable de l'ONU relatif à la vie sous l'eau traite de la pêche, de l'aquaculture et d'autres activités humaines, mais omet le dragage [l'extraction de matière sous l'eau, NDLR]. Sur terre, l'attention s'est portée sur les minerais métalliques et les combustibles fossiles, bien que les minéraux de construction tels que le sable soient les plus extraits. Cela est probablement dû à l'idée largement répandue selon laquelle les ressources en sable sont abondantes et que leur approvisionnement est garanti.»

Accélération de l'érosion côtière

Pourtant, les chercheurs soulignent que cette activité est responsable d'une série d'impacts en cascade. Parmi eux, l'accélération de l'érosion côtière. «Le dragage du sable perturbe le transport naturel des sédiments, approfondit les fonds marins et affaiblit les défenses côtières, précise la scientifique espagnole. Il enlève les sédiments des embouchures des rivières, des estuaires et des bancs de sable au large, créant ainsi des déficits qui réduisent la reconstitution des plages et intensifient l'érosion. En modifiant la topographie des fonds marins, il augmente aussi l'énergie des vagues qui atteignent le rivage, ce qui accélère encore la disparition des plages. L'extraction de sable affaiblit également les barrières naturelles telles que les dunes et les mangroves, ce qui rend les zones côtières plus vulnérables aux ondes de tempête et aux phénomènes météorologiques extrêmes.»

La chercheuse prend aussi pour exemple l'extraction dans le lit des rivières, qui entraîne un appauvrissement des sédiments, un affaissement des côtes et augmente les risques d'inondation, comme dans le delta du Mékong, où l'intensification de l'extraction a aussi permis à l'eau de mer de pénétrer plus loin à l'intérieur des terres, affectant les réserves d'eau douce et l'agriculture.

À LIRE AUSSI Hoffmann Green, un avenir en béton bioOutre l'érosion, cette activité représente un danger pour les habitats marins. «Le dragage endommage directement les prairies marines et les récifs coralliens en déracinant la végétation, en étouffant les organismes avec les sédiments en suspension et en réduisant la pénétration de la lumière, essentielle à la photosynthèse, ajoute-t-elle. Par exemple, l'extraction de sable marin aux Maldives a dégradé les coraux, les rendant plus vulnérables aux épisodes de blanchiment. Cette destruction de l'habitat a des effets en cascade sur la biodiversité marine, notamment le déclin des populations de poissons qui dépendent de ces écosystèmes pour se nourrir et s'abriter.» Des effets qui se répercutent ensuite sur les communautés côtières qui dépendent des ressources marines.

Gare aux espèces envahissantes!

Autre menace: l'extraction de sable joue aussi un rôle dans la propagation d'espèces envahissantes. «En créant des environnements instables où les espèces indigènes luttent pour survivre, cela permet aux espèces invasives opportunistes et plus adaptables aux conditions changeantes de s'implanter», explique Aurora Torres. Une menace accentuée par le fait que le sable transporté pour la construction peut aussi introduire des espèces non indigènes dans de nouveaux endroits. «Par exemple, dans certaines régions côtières, des algues et des invertébrés envahissants ont proliféré dans les zones perturbées par l'extraction de sable, supplantant les espèces indigènes et modifiant les réseaux alimentaires, ce qui accentue encore le stress d'écosystèmes marins déjà vulnérables.»

À LIRE AUSSI Les ports, surprenants réservoirs de biodiversitéLe groupe de chercheurs, qui insistesur le fait que «ces impacts en cascade ne dégradent pas seulement les écosystèmes marins, mais menacent aussi la résilience des côtes et les moyens de subsistance locaux», n'est pas fatalistepour autant: «Nous devons cesser de considérer le sable, et les nombreux habitats qu'il façonne, comme acquis et reconnaître son immense valeur, tant pour les écosystèmes naturels que pour le développement humain. En comprenant son rôle et les impacts d'une extraction incontrôlée, nous pouvons développer de meilleures solutions et trouver un équilibre entre l'utilisation des ressources et la conservation. Une approche plus informée et plus responsable est essentielle pour protéger la biodiversité marine et garantir la durabilité à long terme.»

Lutter contre le manque de transparence des pratiques

À DécouvrirL’extraction de sable, une «menace cachée» pour la biodiversité (1)Le Kangourou du jourRépondreLes chercheursidentifient plusieurs défis: faire progresser la cartographie des fonds marins afin d'éclairer la planification spatiale marine durable et lutter contre le «manque de transparence des pratiques d'extraction et l'insuffisance des efforts de restaurations écologiques» réalisés sur les gisements. Ils insistent: «Les gouvernements, les entreprises et les institutions financières ont tous un rôle à jouer dans l'amélioration de la gouvernance; l'application des mesures de protection de la biodiversité et l'alignement de la gestion des ressources en sable sur les objectifs de conservation mondiaux tels que la Décennie des Nations unies pour la restauration des écosystèmes, visent à mettre un terme à la dégradation des écosystèmes et à les restaurer.»

Afin de trouver un équilibre entre la demande de sable et la protection des écosystèmes marins, les scientifiques recommandent l'adoption d'une «approche systémique», qui «permettrait d'identifier ces impacts interconnectés, de développer des politiques plus durables, de promouvoir des matériaux alternatifs et de mettre en œuvre des réglementations plus strictes afin de minimiser les dommages écologiques tout en répondant aux besoins d'infrastructure».

L’extraction de sable, une « menace cachée » pour la biodiversité (2025)
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Author: Patricia Veum II

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